Survivant d’un génocide, un membre de la GRC boucle la boucle en dirigeant le Groupe de lutte contre les crimes haineux de la Colombie-Britannique
C.-B., Équipe des crimes haineux de la C.-B.
2025-03-21 10:00 HAP
À 46 ans, le sergent Elvis Musinovic de la GRC boucle la boucle.
En tant que sergent responsable du Groupe de lutte contre les crimes haineux (GLCH) de la Colombie-Britannique, il est sans doute l'un des rares membres de la GRC possédant les compétences requises pour ce poste. Vétéran de la GRC comptant 18 années de service, il a survécu au nettoyage ethnique et au génocide en Bosnie et est devenu réfugié après l’effondrement de l’ex-Yougoslavie au début des années 1990.
Il a vu et vécu ce qui peut arriver lorsque des gens se haïssent simplement à cause de la couleur de leur peau, de leur origine ethnique ou du lieu géographique où ils vivent. Le sergent Musinovic est bien placé pour comprendre les souffrances physiques et psychologiques que subissent les victimes de la haine, car il en a lui-même fait l’expérience.
Lorsque la Yougoslavie existait encore, les parents du sergent Musinovic vivaient et travaillaient en Slovénie. Lorsqu’il a eu cinq ans, ses parents sont retournés en Bosnie, leur pays d’origine. Mais quelques années après leur arrivée, la fédération yougoslave a commencé à se désintégrer politiquement et économiquement. Des factions, groupées selon les clivages ethniques et géographiques, ont émergé. Au début, la famille du sergent Musinovic et la région où ils vivaient étaient encore relativement épargnées.
« Nous avons vu toutes ces atrocités se dérouler, et nous étions relativement à l’abri dans notre village, jusqu’à ce que des événements commencent à s’y produire », explique le sergent Musinovic.
Le père du sergent Musinovic, qui avait travaillé en Slovénie avant la guerre, a alors été rappelé au travail. Tandis que l’occupation progressait vers leur village en Bosnie, il était impossible pour son père de rentrer pour être près de sa famille. Le risque était trop grand d’être abattu par les forces d’occupation. Sa mère, sa sœur et lui ont donc dû affronter, seuls, la peur et les difficultés engendrées par l’occupation désormais à leur porte.
Alors que les soldats progressaient dans leur village, le sergent Musinovic savait qu’il était une cible pour les forces d’occupation. Âgé de 14 ans, l’adolescent devait s’enfuir, et vite. Il attrapa sa sœur de neuf ans et s’enfuit avec elle dans la forêt, à peine quelques minutes avant l’arrivée des soldats. Sa mère resta sur place, s’assurant que ses enfants avaient une bonne longueur d’avance sur les soldats qui envahissaient leur village. Lui et sa sœur passèrent quatre longues journées dans les bois, au terme desquelles ils parvinrent à rejoindre une ville, pas encore occupée, où vivaient des membres de leur famille éloignée. Ils finirent par être réunis avec leur mère quelques semaines plus tard.
Au bout d’un certain temps, la famille Musinovic est finalement revenue en Slovénie, où le père travaillait comme contremaître dans une gare de transfert ferroviaire. Celui-ci était prêt à repartir pour le village occupé de Bosnie où il était persuadé que sa famille vivait toujours. Heureusement, le hasard a bien fait les choses. Après avoir frappé à sa porte, ils ont aperçu ses bagages et sont tombés des nues. « Si nous étions arrivés un jour plus tard, nous l’aurions manqué », se souvient le sergent Musinovic.
Le sergent Musinovic et sa famille sont arrivés au Canada en tant qu’immigrants ayant obtenu le droit d’établissement le 14 février 1996. Il était âgé de 17 ans. Lui et les siens avaient quitté l’ex-Yougoslavie, qui avait connu l’une des années les plus froides de son histoire, pour atterrir à Saskatoon, en Saskatchewan, où il faisait -40 °C. « J’ai vu des voitures branchées et je me suis dit c’est super, les Canadiens ont des voitures électriques », se souvient le sergent Musinovic en riant.
Quelques mois plus tard, la famille s’installait à Burnaby, en Colombie-Britannique. Le sergent Musinovic ne parlait pas anglais et les premières années furent difficiles. « Je ne trouvais pas de travail, ni comme pompiste ni comme employé dans un restaurant rapide. J’avais survécu à un génocide et la vie n’était pas plus facile ici. » Mais il persévéra malgré les obstacles et les souvenirs persistants de la Bosnie.
Il retourna à l’école secondaire pour étudier l’anglais et finir ses études, même s’il avait commencé un diplôme universitaire en génie mécanique quatre ans auparavant en Yougoslavie. Finalement, il fut embauché par le restaurant ABC à Burnaby, où son anglais s’améliora considérablement avec l’aide du propriétaire et des employés du restaurant. « J’ai rencontré des gens formidables au travail et à l’école secondaire », dit-il.
Quelques mois après son arrivée en Colombie-Britannique, il profitait d’une journée d’été à la jetée de White Rock lorsqu’il vit deux agents de la Gendarmerie royale du Canada en tunique rouge marcher vers lui. « J’ai pensé : ça y est, c’est ce que je veux faire », dit-il.
Il connaissait un peu le métier de policier, car certains de ses proches étaient agents de police en Slovénie. Et lors de sa cérémonie de citoyenneté, il avait rencontré la surintendante Sharon Toor de la GRC, alors nouvelle recrue, qui montait la garde en tunique rouge. Il eut d’ailleurs plus tard le privilège de travailler avec elle au Détachement de Burnaby. Il avait été impressionné par cette femme qui exerçait le métier de policier, chose peu commune en Yougoslavie.
En 2003, il présenta une demande d’emploi à la GRC. Il réussit l’examen mais ne fut pas accepté à l’époque, ce qui n’était pas inhabituel au début des années 2000. Il continua donc à suivre des cours à l’université et à travailler au restaurant ABC. « Le propriétaire était bénévole au Détachement de Burnaby et il m’a demandé si cela m’intéressait », explique-t-il. Le sergent Musinovic saisit l’occasion et devint bénévole dans les postes de police communautaires du Détachement de Burnaby. Il travailla aussi dans des foyers collectifs ainsi qu’en tant qu’aide-éducateur au sein du Conseil scolaire de Vancouver. Il s’engagea dans le sport, ce qui l’aida au fil du temps à améliorer son anglais et à se familiariser avec le mode de vie des Canadiens. Toujours aussi déterminé, il présenta de nouveau une demande d’emploi à la GRC en 2006, cette fois avec succès.
« Maintenant que j’y repense, je crois que rien n’arrive par hasard. Je n’aurais jamais fait tout ce que j’ai fait, comme être bénévole, m’engager dans le sport, participer à la vie de la communauté, si j’avais été embauché en 2003 », confie le sergent Musinovic.
Il compléta avec succès sa formation à la Division Dépôt et reçut sa première affectation au Détachement de Burnaby, où il resta pendant environ 10 ans. En 2016, souhaitant approfondir ses connaissances et son expertise sur les groupes criminels organisés transnationaux, il fut muté au Groupe des crimes graves et du crime organisé de la Police fédérale (CGCOPF) (aujourd’hui la Police fédérale de la région du Pacifique) du quartier général de la GRC en Colombie-Britannique, à Surrey. En 2018, il fut promu à la Section des renseignements criminels de la Division E, où il a trouva sa véritable passion.
Quatre ans plus tard, soit en 2022, alors qu’il travaillait avec la Section des crimes majeurs de la GRC de la Colombie-Britannique, un officier supérieur et mentor important, le sergent d’état-major Greg Yanicky, l’encouragea à prendre la direction du GLCH de la Colombie-Britannique. Au début, il avait des doutes, mais cette unité, mandatée par la province, s’est révélée être un choix presque parfait. Selon lui, son travail au sein de l’équipe l’a aidé à s’ouvrir davantage sur ses expériences pendant la guerre en ex-Yougoslavie.
Le sergent Musinovic se dit chanceux d’avoir pu compter sur le soutien des officiers et des cadres supérieurs pour élargir son unité, dont l’effectif est passé de deux à huit personnes. « Nous avons donné 70 présentations au cours des deux dernières années, et nous travaillons à examiner des dossiers provenant de partout dans la province, à établir des liens dans les communautés que nous servons et à mener des enquêtes », explique le sergent Musinovic. Il a également créé un guide de l’enquêteur sur les crimes haineux, qui est maintenant utilisé partout au Canada. « Nous avons réussi à créer quelque chose de nouveau, et je suis chanceux d’avoir reçu autant de soutien de la part de la direction », ajoute-t-il.
Malheureusement, l’équipe est particulièrement occupée, surtout depuis la pandémie de COVID-19 et en raison notamment de l’intolérance croissante alimentée par les événements mondiaux qui se déroulent en Ukraine, en Israël et en Palestine ou les événements touchant la communauté LGBTQ.
Marié et père de deux « filles extraordinaires », il sait apprécier tout ce qu’il a aujourd’hui et les chances dont il a pu bénéficier, parfois au prix de durs efforts. « Vous devez demeurer fidèle à vos principes et à vos valeurs. »
« Ayez l’esprit ouvert. Parfois, il s’agit d’être au bon endroit au bon moment, et les choses arrivent pour une raison. Ne blâmez pas les autres, vous n’avez aucun contrôle sur eux. Croyez plutôt en vous et faites confiance au processus », explique-t-il.
Le sergent Musinovic souhaite conclure sur ce message concernant sa carrière au sein de la GRC : « J’ai eu l’immense privilège de rencontrer certaines des personnes les plus extraordinaires au sein de l’organisation et de me faire de très bons amis. Tous ces gens ont joué un rôle important dans mon évolution en tant qu’agent de police, que ce soit à Burnaby, au CGCOPF, à la Section des renseignements criminels (SRC) ou au GLCH. Merci à tous pour votre soutien et vos encouragements. »
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